Paulette Pétras

Il y a exactement neuf ans, le samedi 18 février 2012, je faisais se rencontrer Paulette Pétras, épouse Haleux, et Paulette Pétras, épouse Perec.
J’avais rencontré cette dernière au Marché de la Poésie, en juin 2009, près du stand de Formules, revue des littératures à contraintes. Depuis une dizaine d’années que je fréquentais la listeperec, liste de diffusion électronique autour de l’oeuvre de Georges Perec, par laquelle j’avais la possibilité de contacter Paulette Perec, je n’avais jamais osé lui évoquer cette homonymie qui avait pour moi une signification forte.
Vers 1993, alors que Georges Perec était devenu pour moi un père littéraire, la découverte dans un livre d’une photographie légendée « Georges Perec et Paulette Pétras » avait été une révélation, confirmant que j’étais sur la bonne voie.
Ce jour de juin 2009, je la reconnais de loin et me décide à lui parler. Très vite, je lui dis : « Vous portez les même nom et prénom que ma mère ». Ses yeux brillent d’étonnement et d’amusement et elle me répond : « Oh ! il faut absolument que je la rencontre ! » Je la préviens que ma mère n’a pas l’habitude de sortir de sa ville… « Je viendrai à Châlons-en-Champagne ! » Et nous échangeons nos adresses.
Le temps passe et c’est le 11 janvier 2012 que par un mail je lui rappelle cette affaire. Elle n’a pas oublié : « Je suis bien contente que vous me relanciez car je garde en mémoire, en réserve, cette visite à faire à votre mère pour élucider peut-être le mystère de notre homonymie. » Nous convenons du jour de sa venue, deux mois plus tard.
Le 17 février, elle arrive par le train. Elle n’a pas voulu que je vienne la chercher à la gare. Elle préfère découvrir seule et à pieds cette ville qu’elle ne connaît pas. Je la retrouve en fin d’après-midi. Elle me raconte sa visite du musée municipal qu’elle a appréciée. Nous allons chez moi, où nous rejoignons Céline et où il est convenu que Paulette passera la nuit. Elle nous offre une boîte de macarons. Sa présence est des plus agréables. Elle est attirée par les bibliothèques, les parcourt et commente quand elle remarque un livre, un auteur qui lui plaît. Je remarque son regard sur le rayon Perec.
Le repas est des plus charmants. Nous discutons de tout, pas seulement de littérature (elle se montre très curieuse de nos éditions Cynthia 3000), mais aussi, par exemple, de chats : nous en avons un, Parnassus Nump, elle le caresse. Je suis intimidé, à cause de Perec, je crains de mal dire l’importance qu’il a pour moi, mais nous y venons naturellement — elle dit « Georges » — et, les vins et l’heure tardive aidant, elle verse quelques larmes à son souvenir.
Le lendemain midi, nous allons chez mes parents, impressionnés et honorés d’accueillir celle qui fut l’épouse de l’auteur dont je parle sans cesse depuis vingt ans. La rencontre avec ma mère, déterminée par le nom, l’homonymie — comme Gaspard Winckler — est émouvante : deux Paulette Pétras se font face. Je trouve qu’elles se ressemblent. Assez vite, avant le repas, elles en viennent à la question des origines. Du côté de ma mère, c’est compliqué : mon grand-père est de l’assistance publique, et la seule mention concernant mon arrière-grand-père dit qu’il est, en 1914, « interné à Noirmoutier »…
Après son départ, nous avons continué à échanger par emails. Mais je ne suis pas très doué pour garder le contact et maintenir une correspondance. Paulette Perec échangeait plus régulièrement avec mes parents qu’avec moi. C’est par eux que j’ai su qu’elle était gravement malade. Elle est décédée en 2016 trois mois après mon père, qui était né la même année qu’elle.
Elle faisait des recherches sur nos possibles liens de parenté slovaques et m’informait de ses lectures historiques et des pistes auxquelles elle pensait : « Tu vas voir qu’on est peut-être cousins au ennième degré! » J’ai regretté de ne pas avoir creusé plus dans son sillon, j’arrive à me persuader aujourd’hui que leur ressemblance sur cette photographie d’elles-deux côte à côte suffit.

 

[une page d’hommages à Paulette Perec]

 

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