Une barrière de parenthèses

Si Marcel Proust pouvait prendre froid dans le courant d’air passant entre deux parenthèses, il faut se méfier de tous les signes typographiques, comme nous le montrent J. Barine (l’auteur est double) dans Nouvelles improbables, Cymbalum Pataphysicum, « Bibliothèque oulipopienne », 2017.
Ainsi, dans « L’Homme du no man’s land », un dangereux malfaiteur, Darrigade, réalise, alors qu’on le croit pris, une belle échappée :

 

« Non seulement Darrigade avait échappé aux hommes de la Rescousse qui le cernaient mais IL AVAIT AUSSI DISPARU DE NOTRE RÉCIT ! »

 

Sa fuite des plus mystérieuses a pourtant une explication :

 

« Par une négligence coupable, comparable à celle d’un geôlier oubliant de fermer la porte d’une cellule, Barine n’a pas fermé les guillemets qu’il avait ouverts, permettant ainsi à Darrigade de s’évader du texte au nez et à la barbe des hommes de la Rescousse. »

 

Heureusement, Darrigade est rattrapé dans un récit ultérieur, « Coup de feu dans la Préhistoire », où les auteurs, assistés du héros de leurs nouvelles, l’inspecteur Gibbey, ont recours à un autre procédé typographique pour l’enfermer définitivement. L’arrestation a lieu dans le discours d’un préfet, Roussel :

 

« Chers Landais, chères Landaises, honneur au vainqueur ! Cette course d’échasses (si typique de nos régions ((a été remportée (((monsieur Darrigade — *Gibbey qui lisait par-dessus nos épaules, nous souffla à l’oreille : « C’est le moment ! Vite ! Fermez les parenthèses ! Il est coincé ! » Nous nous précipitâmes* — ))) par vous )) les Landes et le Gers)… »

 

Darrigade est enfermé dans une triple barrière de parenthèses. Mais il ne faut pas relâcher l’attention :

 

« Mission accomplie, cher Gibbey, il ne nous reste plus qu’à mettre le point final
— Holà ! Stop ! s’écria Gibbey en nous jetant un regard méfiant. Je préfère le mettre moi-même. »

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